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«Pas par ta justicE» Parachat Ekev

«Pas par ta justice» Parachat Ekev




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« Être toujours juste / juste à ses propres yeux »


À la veille de l’entrée en Canaan, dans les plaines de Moab, Moïse s’adresse au peuple et lui rappelle son long voyage dans le désert. Il met ensuite en garde le peuple contre les dangers et les épreuves qui l’attendent lorsqu’il entrera dans le pays de Canaan.

Moïse semble engager un dialogue avec le peuple, affronter son point de vue et lui adresser une critique directe. À deux reprises, Moïse répète au peuple qu’il ne va pas entrer dans le pays de Canaan grâce à ses actions ou à sa justice :

« Et sache que ce n’est pas à cause de ta justice que l’Éternel, ton Dieu, te donne ce bon pays pour le posséder ».

Moïse explique que la raison en est la raideur de nuque du peuple – son incapacité à recevoir une critique sur ses actes :

« Car tu es un peuple à la nuque raide ».

Il contredit l’opinion que le peuple a de lui-même, ainsi que ses pensées flatteuses, et ajoute :

« Ce n’est ni à cause de ta justice ni à cause de la droiture de ton cœur que tu viens posséder leur pays ».

Le peuple est dépourvu de droiture de cœur, c’est-à-dire de sincérité et de bonnes intentions. Moïse s’oppose ainsi à cette attitude du peuple qui se considère toujours comme étant dans son droit, habitué à dire : « Nous sommes justes » – à l’inverse des frères de Joseph qui reconnaissent : « Que dirons-nous ? Comment nous justifier ? ».

Moïse explique que le peuple entre dans le pays de Canaan précisément à cause de la faiblesse des nations qui y résident :

« C’est à cause de la méchanceté de ces nations que l’Éternel, ton Dieu, les chasse devant toi ».

C’est un pur hasard que les peuples de Canaan contre lesquels Israël lutte ne soient pas puissants ; il est donc facile de les déposséder. Ainsi, même si le peuple gagne la guerre, la victoire résulte de la faiblesse temporaire de l’ennemi, de circonstances fortuites et de facteurs historiques, et non des qualités propres du peuple.

Mais le peuple interprète les événements tout autrement. Il en tire rapidement la conclusion que :

«C’est à cause de ma justice que l’Éternel m’a fait entrer pour posséder ce pays».

Il ressent un sentiment de force et de puissance, croit en sa capacité de vaincre, et en tire une conscience de supériorité morale. À ses yeux, ses qualités l’élèvent et l’ennoblissent. En réalité, le peuple est gagné par l’orgueil, persuadé de posséder des mérites et des vertus exceptionnelles. Il se voit comme « juste », fidèle aux lois et à l’éthique. Cette vision efface à ses yeux ses propres fautes. Il n’a aucune conscience de ses péchés, ni reconnaissance de ses faiblesses ; tout cela a été refoulé, et sa raideur de nuque en est la preuve. Le peuple a oublié qu’il a péché récemment. Il est atteint de la «maladie de l’oubli» : l’histoire récente a disparu de sa mémoire, il vit dans l’instant, persuadé d’être pur et à l’abri de toute critique.

Moïse, en s’adressant au peuple, souligne cette illusion ou ce mensonge intérieur dans lequel il s’enveloppe – peut-être inconsciemment. Il combat cette image flatteuse qui mène à l’orgueil et à un excès de confiance. C’est le fruit d’un jugement erroné qui confond à tort succès militaire et supériorité morale. Le peuple se perçoit dans une position exceptionnelle, au-delà de ce qui lui est dû. Cette conclusion erronée doit être immédiatement rejetée. Il doit se libérer de cette conscience excessive de «justice» qu’il a ancrée en lui.

C’est pourquoi Moïse répète encore et encore ses paroles pour secouer la conscience du peuple :

« Souviens-toi, n’oublie pas ».

Il lui montre qu’il doit adopter un tout autre regard :

«Et sache aujourd’hui que c’est l’Éternel, ton Dieu, qui marche devant toi» – vois : tu ne remportes pas la victoire grâce à tes propres mérites.

Moïse ajoute un autre élément : la mémoire des patriarches :

«Et afin de confirmer la parole que l’Éternel a jurée à tes pères, à Abraham, à Isaac et à Jacob».

Le peuple existe grâce aux figures exemplaires d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, tirées de son passé historique lointain. Moïse veut dire : ce sont ces figures qui doivent être votre modèle moral. Vos pères étaient de véritables justes, et vous, malgré tout, ne suivez pas vraiment leur chemin et ne les érigez pas en idéal.

Le prophète Isaïe dit dans sa prophétie :

«Et ton peuple, tous seront justes ; pour toujours ils posséderont la terre» (Isaïe 60, 21).

Les commentateurs soulignent qu’il s’agit d’une vision future : si un jour le peuple améliore sa conduite et change sa perception de lui-même et du monde, alors on pourra l’appeler « peuple juste », agissant selon les règles de l’éthique et de la morale.

Et ces paroles, dans leur essence, sont vraies aujourd’hui, exactement comme elles l’étaient lorsqu’elles furent prononcées par Moïse.



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À propos de l'auteur - Yoav Levy

Je suis né à Jérusalem, j'ai étudié les études juives à l'Université hébraïque et à l'Institut Schechter de Jérusalem.

J'habite à Paris, j'enseigne des textes bibliques et des rabbins et je traduis dans divers domaines du français à l'hébreu. Dans le blog écrit sur la « Parasha de la semaine », je vois la Bible comme exprimant un grand nombre d'aspects, parmi lesquels la pensée philosophique, socio-politique et psychanalytique, à travers, entre autres, l'analyse de la structure littéraire du récit et du texte biblique, et dans une lecture qui ne renonce pas au contexte historique dans lequel est née cette œuvre, je souhaite présenter ces aspects. Il s'agit notamment de révéler les liens possibles entre la philosophie biblique et la psychanalyse.

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